Ottawa (Ontario) – Michael Barrett, Ministre du Cabinet fantôme conservateur responsable de l’Éthique et du Gouvernement responsable, a adressé la lettre suivante à Mark Carney :
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Monsieur Carney,
Je vous écris pour faire le point sur la question importante de la divulgation immédiate de vos actifs financiers et de tous les conflits d’intérêts potentiels. Je sais que vous aimeriez considérer cette question comme close à la suite des commentaires que vous et votre campagne avez faits aux médias, signalant votre intention de respecter les lois existantes en matière de conflits d’intérêts. Mais de tels engagements sont vides de sens et totalement insatisfaisants.
Après une décennie au cours de laquelle vos collègues libéraux se sont livrés à d’innombrables violations éthiques et conflits d’intérêts, vous pourriez croire qu’il suffit de respecter la lettre de la loi actuelle. Mais les Canadiens méritent mieux. Les électeurs méritent une transparence, une divulgation et une responsabilité totales, ce que vous avez notamment refusé de fournir avant votre éventuelle prise de fonction en tant que premier ministre.
Prenez la récente déclaration de votre campagne au Toronto Star, dans laquelle vous affirmez que vous placerez vos actifs dans une fiducie sans droit de regard. Bien que vous présentiez cela comme allant au-delà des exigences, il s’agit en fait du strict minimum requis par la loi. Cela soulève également de sérieuses questions quant à savoir si une personne ayant des intérêts financiers aussi vastes et complexes que les vôtres – couvrant des sociétés publiques et privées de grande envergure – pourrait même conclure une véritable fiducie sans droit de regard. Il n’est notamment pas certain que certains de vos actifs non boursiers chez Brookfield puissent même être placés dans une fiducie sans droit de regard, car vous savez déjà dans quoi les fonds sont investis. Le désinvestissement complet pourrait bien être votre seule option.
Les arrangements trompeurs qui ne font que donner l’illusion de la conformité, comme lorsque le ministre libéral des Finances de l’époque, Bill Morneau, a transféré les actions de son entreprise dans une société à numéro distinct qu’il contrôlait toujours, ne suffiront pas.
En outre, de nombreux Canadiens seraient à juste titre sceptiques quant à votre capacité à vous conformer pleinement et correctement à la loi avant votre entrée en fonction, étant donné le pouvoir que vous auriez d’influencer des décisions susceptibles de vous procurer des avantages financiers personnels.
Comme je l’ai déjà souligné, votre engagement à ne terminer le processus standard de divulgation des conflits d’intérêts qu’après votre entrée en fonction laisse les Canadiens dans l’ignorance de vos intérêts financiers personnels et de vos conflits d’intérêts potentiels. La loi telle qu’elle est rédigée est insuffisante, car elle vous accorderait 60 jours sans aucune divulgation au commissaire à l’éthique et le double de ce délai avant toute divulgation au public. Cette période de quatre mois sans transparence vous permettrait d’assumer vos fonctions – et potentiellement même de passer par une élection générale complète – sans être honnête avec les Canadiens au sujet de vos conflits et de vos positions financières personnelles, qui pourraient valoir des dizaines ou des centaines de millions de dollars.
Essentiellement, vous demandez aux Canadiens de croire que vous n’avez rien à cacher. Malheureusement, ayant menti à plusieurs reprises aux Canadiens au cours des dernières semaines, vous n’avez aucune réputation de fiabilité sur laquelle vous pouvez vous appuyer. Vous n’avez pas non plus un passé de pratiques commerciales éthiques auquel les Canadiens peuvent se fier, car votre ancienne société, Brookfield, a été identifiée comme l’un des principaux coupables d’évasion fiscale et potentiellement le plus grand fraudeur fiscal du Canada. Cette préoccupation a été soulevée non seulement par moi-même et mes collègues conservateurs dans le passé, mais aussi – pas plus tard qu’hier – par vos propres partenaires de coalition libérale, le NPD.
En fin de compte, M. Carney, cela ne vous laisse qu’un seul choix. Si vous n’avez rien à cacher, vous devriez divulguer publiquement tous vos actifs et intérêts afin que les Canadiens puissent en juger. Vous devriez le faire avant la fin de la course à la chefferie du Parti libéral, le 9 mars. Toute autre décision suscitera de sérieux soupçons quant à vos intentions et réduira davantage la confiance des Canadiens en ce que vous avez à dire.